Quelques lignes sur mon premier "DNF" (Did Not Finish)…
Que dire? C'est simple et compliqué à la fois.
Simple comme un jour sans.
Compliqué comme un échec que rien de précis ne permet d'expliquer, si ce n'est peut-être une fatigue générale liée à un hiver et un printemps sans vacances…
Pendant la semaine qui précède la course, je n'ai pas envie de y aller, ou plutôt… je m'en fous, ce qui est sans doute pire. Alors que d'habitude la pression monte à l'approche du rendez-vous, je n'ai ni peur ni hâte d'y être.
Et la nuit d'avant, alors que comme tous les coureurs j'ai la plupart du temps beaucoup de mal à m'endormir, je passe là une incroyablement bonne nuit!
Le jour J, je pars très lentement (9,5 km/h alors que j'ai travaillé une VS à 11,3!), sans doute à cause de l'heure matinale et de la nuit qui fausse mes repères. Ce n'est pas un mal. Mais là où ça coince, c'est quand au bout de 12km, je me dis que j'en ai déjà marre… Ce genre de truc au 60 ème, c'est normal et ça se gère au mental. Mais 88 kilomètres au mental, cela risque d'être compliqué…
J'ai accéléré gentiment et pris mon allure de croisière. Les kilomètres passent à travers la campagne, mais je sais, je sens que la tête n'y est pas.
J'essaye de me raisonner, de me dire que ce départ lent et laborieux sera peut-être salvateur en ce qu'il me permettra de faire une bonne fin de course en en ayant gardé sous le pied. Quant au moral, l'expérience m'a montré qu'il pouvait changer en peu de temps. Attendons de voir…
Mais le miracle n'aura pas lieu.
Au km 35, le physique s'y met aussi: j'ai les jambes dures comme du bois. Je me sens musculairement dans le même état que si je repartais de St-Affrique... Et c'est là que je mesure toute l'importance d'avoir ou non un suiveur à vélo. Car aujourd'hui, Seb n'est pas là...
Alors je me focalise sur la fin de la deuxième boucle, me concentre sur un style économique, m'accroche à deux autres coureurs.
Lorsque je repars pour la troisième, la chaleur est apparue mais j'ai l'impression d'aller un peu mieux. Ce ne sera pourtant qu'un chant du cygne. Au bout de quelques kilomètres, je me demande ce que je fais là. Ai-je besoin de m'infliger tant de souffrance? Ai-je quelque chose à prouver à quelqu'un? La réponse est sûrement "oui comme tous les coureurs d'ultra" mais j'aurai à ce moment-là la sagesse de repondre "non". Parce que je veux que le plaisir soit au centre de ma passion, malgré les incontournables moments de souffrance. Et parce que là, j'ai dépassé les limites que je me fixe. Et mon ego aussi …
Au km 55, atteint en 5 heures tout rond, dans mon lecteur mp3, AC/DC chante "If you can't stand the distance, you'd better disappear... Give it up, give up!" et à un croisement où quelques voitures attendent pour passer, c'est ce que je fais, je "give up". Tout va très vite, comme c'est souvent le cas. Je décroche mon dossard, lève le pouce, et c'est la contrôleuse laitière du secteur qui gentiment me ramène à Chavagnes en prenant le temps de quelques mots de réconfort. C'est fini. Je me sens soulagé.
Après avoir signalé mon abandon au PC, je prends une douche, grignote un peu, et reprends immédiatemment la route. Au moins passerai-je la fin de la journée en famille.
Les jours et les semaines qui suivent seront relativement sereins, avec le sentiment de la fatalité contre laquelle je ne pouvais rien faire ce jour-là .
Mais aujourd'hui, six semaines après, mon regard change. J'ai accroché dans le sous-sol de ma maison le dossard de Chavagnes parmi d'autres souvenirs et photos.
Sauf que ce dossard-là est marqué des trois lettres maudites: DNF.
Et à chaque fois que je le vois, mon cœur se serre.
Alors j'attends. J'attends que retentisse à nouveau l'appel de la route. Avec l'espoir d'une revanche.
Quelques photos quand même:
3 mai 2008
100 km de Vendée à Chavagnes-en-Paillers